samedi 31 juillet 2021

Armand Koffi, un artiste religieux polyvalent


Pharmacien en devenir, Guy Armand Koffi s’est donné pour mission de soigner les corps par le médicament, mais aussi les cœurs par le chant religieux. Nous ouvrons le cahier de vie de ce chantre très prometteur pour lire  page après page. Voyage express dans le KOFFI. 

Chantre Koffi

Il n’est sorti ni d’un conservatoire, ni d’une école des beaux-arts, mais Armand Koffi excelle dans l’art de la musique chrétienne. Musicien dans l’âme, il est à la fois théoricien et praticien parce qu’en plus de transmettre (enseigner la musique), il compose, chante et interprète. Il s’agit d’un ténor dont la puissance vocale  tranche avec la corpulence. Vif et svelte, un peu réservé, ce musicien passionné de belles harmonies est de taille moyenne. La vivacité se lit dans son regard  d’artiste et la discrétion dans son pas malgré sa démarche, quelquefois martial tel un soldat. Longtemps resté à l’ombre des chorales, il a enfin décidé, depuis 2018, de se lancer professionnellement. Depuis lors, il enchaine des single dont le premier intitulé, «Amour infini» (2019), puis «Praise» son deuxième, fin février 2020, ainsi que son premier clip. «Alpha Omega» et «Mon berger» sont ses deux prochains singles en gestation dont la sortie est prévue pour le mois prochain, Août 2021. Sans répit, il mijote patiemment son premier album. Armand Koffi «apporte surtout de la fraicheur» dans la musique religieuse chrétienne d’Afrique. Il y puise d’ailleurs dans les profondeurs du riche patrimoine culturel du continent. Compositeur prolifique et aguerri, Armand a à son actif plus de deux cents (200) compositions, notamment des chants liturgiques. 

Fervent catholique et ancien séminariste, il composait ses premiers airs musicaux depuis le séminaire, en laissant sceptique sa mère qui le met en garde contre tout plagiat parce que le trouvant trop jeune.  L’inspiration fructueuse, toutes les circonstances de la vie sont bonnes pour traduire sa reconnaissance à Dieu à travers un morceau. Quand cela arrive, c’est irrésistible, même en plein sommeil, tel un somnambule, Armand se réveille précipitamment pour coucher et fixer sa musique sur un support. Élevé dans la foi catholique, très jeune, Armand était investi dans l’église et projetait de devenir prêtre. 

Au commencement était le séminaire…

Né en Côte d’Ivoire d’un père homme d’affaires et d’une mère coiffeuse, l’éducation d’Armand fut la synthèse d’un savant dosage de cette mère très diplomate et d’un père quelque peu martial, dont le simple regard suffisait pour savoir qu’on était en  sens interdit et qu’il faille se ressaisir. Issu d’une fratrie de 7 enfants dont 3 filles, Armand occupe la 4è position. Ce qui lui confère un certain confort pour parler aux plus grands comme aux plus jeunes que lui. Après son Certificat d’Études Primaires en 2002, Armand rejoint le petit Séminaire, trois ans après son grand frère (devenu prêtre). Dès la 6è il s’intéresse à la musique et se fait initier au solfège et à quelques instruments. Le talent musical qui sommeillait en lui, va très vite s’aiguiser à tel point que, pendant ses vacances, de retour sur sa paroisse, il partageait ses connaissances.

A  12 ans, il avait déjà du cran pour officier comme maître de chœur d’une chorale d’enfants. Mieux, à partir de ses 14 ans, c’est devant des pères et mères de famille (chorale des adultes) que Armand se tient sur ses frêles jambes d’ado pour enseigner les chants et, n’hésitant pas à remonter les bretelles à d’éventuels perturbateurs de ses séances. «Maman, tiens-toi bien tranquille parce que tu bavardes», lançait-il au besoin à une choriste. Au demeurant, très jeune, Armand Koffi était déjà un homme respectable pour ses talents artistico-musicaux. Initié très tôt à la musique, c’est à partir de la 2nde (moyen séminaire), qu’il va passer à « la vitesse supérieure». Le maniement d’instruments tels que le piano, la guitare basse, ne lui est pas totalement étranger, même s’il ne les pratique pas. Il a préféré s’investir à fond  dans les harmonies. Élève brillant, Armand  était «beaucoup plus à l’aise dans les matières scientifiques». Mais absorbé par la musique, son investissement en cette science a failli compromettre sa scolarité à un moment donné avant qu’il ne se ressaisisse. Outre la musique, ce qu’il aime c’est prendre soin des autres.

Le virus de la médecine, puis de la pharmacie

Au séminaire, différentes fonctions sont généralement assignées aux prêtres en devenir : maître de chœur, infirmier-adjoint, sacristain, décorateur, etc. Armand n’y a pas échappé. Maître de chœur et assistant infirmier, après avoir «flirté» avec des rouleaux de sparadrap, des tensiomètres et autre thermomètre, il finira par choper le virus de la médecine/pharmacie. En clair, c’est dans l’infirmerie du séminaire que naît son intérêt pour la médecine d’abord, puis la pharmacie ensuite. «Maître de chœur, j’étais aussi  tout le temps avec le responsable infirmier, de telle sorte que quand un ami avait un bobo (mal) et que l’infirmier était occupé, je puisse apporter de petits soins à un autre. J’ai vraiment aimé ce que je faisais», se souvient-il. Mais de manière naturelle et spontanée, Armand a toujours eu le sens de ses semblables. Empathique et compatissant, c’est ce sens de l’humanité qui le pousse vers les métiers où son écoute est sollicitée, où il doit donner de l’attention et de la bienveillance, donner d’égard et du réconfort aux autres. Il eût été prêtre, tous ces attributs lui auraient été d’une grande utilité pour sa mission. Mais pharmacien, il en a aussi et toujours bien besoin.

Un artiste inapte au chômage : du séminaire à la Fac

Quand Armand Koffi poussait les portes du séminaire en 2002, c’est évidemment pour aller vers le sacerdoce. Si on l’imagine prêtre,  on le verrait drapé dans sa longue soutane blanche, assortie d’une chasuble, une étole et de tous les autres accessoires, les deux mains jointes devant la poitrine. Mais après 7 ans d’immersion dans l’apprentissage de la vie consacrée, il change de trajectoire dès l’obtention du  Bac. Le jeune séminariste se sentait plutôt appelé à une autre mission dans la vie laïque. Le séminaire aura été toutefois un cadre idéal où a été forgée et formatée davantage sa formation spirituelle. C’est d’ailleurs dans cet environnement que ses talents artistiques ont d’abord éclos et ont eu un cadre d’expression et de maturation. Ensuite, il y a acquis diverses aptitudes qui, aujourd’hui, le rendent inapte à quelque forme de chômage que ce soit. Et enfin, c’est surtout au séminaire que sa vocation s’est précisée. Il quitte alors le séminaire, mais décide de servir Dieu autrement que dans le sacerdoce.

En fin du moyen séminaire passé sans faute, Armand fait part à ses parents et à son évêque de son désir d’étudier la médecine. Ce choix ne sera pas contrarié. A contrario, il a eu la bénédiction des uns et des autres, notamment de son évêque. Décision prise, il postule aux Facultés de médecine de Côte d’Ivoire, Tunisie et France. Contre toute attente, aucune des universités ciblées ne réagit. Or, étant sorti du séminaire, l’on pouvait aisément présumer d’un dossier respectable, d’un a priori favorable qui plaide en sa faveur. Mais en bon croyant, Armand reste patient et ne perd pas espoir.  Un jour, alors qu’il devait sortir avec son père, celui-ci lui propose  un détour chez  son ami pharmacien, occasion pour Armand d’échanger avec lui de son projet d’étude. Les choses vont aller très vite.

N’ayant pas eu de suite concernant la médecine et  comme son cœur balançait déjà pour la pharmacie, l’ami de son père, fait expédier son dossier à l’Université Cheikh Anta Diop où il sera inscrit in extremis en pharmacie. C’est dans ses cordes. Armand était fol amoureux de «dame Médecine». Mais comme cette dernière l’a fait attendre, il a préféré épouser sa proche cousine, «dame Pharmacie». Pour sûr, il avait les prédispositions à s’accommoder à l’une comme à l’autre. «Au séminaire, j’ai eu à développer certains potentiels comme la musique, mais aussi la passion de prendre soin de la santé de l’homme. Et cela se ressentait dans mon entourage», relève-t-il. Son dossier ainsi accepté à l’Ucad, Armand ne perd pas du temps pour rallier  Dakar en catastrophe.

Un voyage express pour Dakar

Un jour de 2010, Armand Koffi débarque à Dakar. Malgré son retard de deux mois, il saura s’organiser pour être à jour avec ses cours. Il s’adapte tout en gérant les difficultés. Dynamique et proactif, entreprenant, voire entrepreneur, le jeune étudiant est jaloux de son autonomie et de son indépendance, y compris vis-à-vis de ses parents. Au plus fort de la crise politique qui a secoué, la Côte d’Ivoire, marquée par le ralentissement de l’activité économique et la réduction de la mobilité, Armand n’a pas continué à espérer les «western» des siens. Il a fait tourner ses méninges et sorti une petite idée de qui va se révéler prometteuse. Il s’agissait, avec sa sœur, de créer un petit commerce parallèlement à leurs études.

La petite idée accouche d’une coquette petite entreprise de production de yaourts et de gâteaux. Leurs premiers clients étaient leur cercle d’amis proches. Cette startup, mine de rien, les aidera à se prendre en charge pendant une bonne période : paiement de loyer, factures, approvisionnement. Les parents étaient ainsi déchargés pendant quelques temps. Le business marchait fort bien à telle enseigne qu’ils ne puissent «satisfaire toutes les commandes». Sauf que le temps passant, les jeunes entrepreneurs vont être vite rattrapés par la charge des cours et obligés d’abandonner cette aventure entrepreneuriale pourtant bien partie. Ce que le jeune étudiant d’alors n’a pas abandonné, en revanche, c’est la musique.